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Mirages - 2022


Travail en cours

Ce travail a été réalisé suite à une première résidence de gravure. Il s’agit de tentatives, encore en réflexion.
Les images ici recouvertes d’encre, sont des diapositives scannées puis imprimées.

 

Retrouvées dans les archives familiales, ces clichés ont été pris lors d’un voyage de mes grands-parents en Algérie en 1983, 30 ans après qu’ils aient quitté ce pays.
Ma grand-mère était pied-noir. De l’Algérie, dans ma famille, il en a toujours été question, mais comme d’une enfance perdue.
Dans les années 80, enfant moi-même, je contemplais les livres, les photographies, les objets, qui témoignaient de ce passé révolu, sans y déceler une autre tragédie que celle
qui brillait dans les yeux de ma grand-mère au simple mot de «Bône».
Reflet d’une histoire bien personnelle.

 

Instituteurs engagés dans les méthodes dites «modernes», membres du parti socialiste depuis toujours, militants pour Amnesty International, mes grands-parents avaient à coeur la justice des hommes, le partage des savoirs et de la «culture» et la lutte contre les inégalités.
Une vision républicaine qui ne souffrait pas de ses propres contradictions.

 

Ils ne m’ont rien dit de ce qui s’était passé en Algérie après leur départ en 1953. Ni avant.
Mon grand-père, qui avait une passion pour le classement, étiquetait, répertoriait, inventoriait tout ce qui pouvait l’être. Les diapositives sont numérotées et légendées.
Ainsi, on peut parfaitement suivre leur voyage, image après image.
Dans cette continuité, un récit se dessine : celui qu’ils ont construit de leur voyage, celui qu’ils ont enregistré par la photographie.

 

Que montrent ces images de leur voyage de 1983 ?
À première vue, on pourrait dire pas grand chose. Elles sont même d’une banalité affligeante, des photographies de touristes européens, l’exostime à l’état pur : paysages d’une beauté insolente, palmeraies, artisanat, enfants pauvres dans la poussière.
C’est précisément cette «banalité» qui me sidère le plus, ces images sont celles de deux touristes français qui sillonnent les plateaux, fréquentent les hôtels, se promènent dans les villes et villages, achètent quelques souvenirs.

 

Souvent, il faut creuser pour y voir clair. J’ai creusé des plaques de cuivre, tout en pensant aux sols que nous continuons de creuser sur les terres anciennement conquises et toujours soumises.
J’ai creusé des lignes. Une accumulation de lignes. J’ai retiré la matière souple du cuivre pour permettre à l’encre de pénétrer les sillons.
Et puis l’encre a recouvert les images, y apposant la forme ainsi obtenue à force de creuser.

 

Dans quel sens se fait une transmission ? Peut-on refuser un héritage ? Celui que mes grands-parents ont légué est entâché de trous noirs qui demeurent béants pour toutes
les enfances qui viennent.

 

Ce constat n’est pas un jugement, mais il pose une autre question.
Celle de l’histoire, de qui la fait et de qui la raconte.

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